
Entre la Chine et les États-Unis, c’est une lutte à tous les niveaux pour le leadership mondial. Elle est parfois sans merci avec leurs champions de la tech. Les GAFA pour l’Oncle Sam. Les BATX pour le dragon chinois. Bercés par leur adolescence, la majorité des investisseurs occidentaux ont les yeux doux pour les multinationales américaines.
La Chine n’est pas en reste à ce niveau. Elle est même en avance dans certaines domaines. Leurs multinationales ont des atouts à revendre. En plus d’être les numéros uns nationaux, les BATX composés Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi, s’imposent progressivement au niveau international.
S’il y a en un qui se détache, c’est Alibaba avec son patron charismatique Jack Ma. Pour la plupart d’entre vous, il est l’équivalent d’Amazon en Chine à quelques similitudes près. Son premier fait d’arme est la réussite de son introduction en Bourse à New York.
Je sais que les actions chinoises suscitent la défiance des investisseurs occidentaux bien que certaines d’entre elles se cotent à Wall Street. Les raisons, vous les connaissez sûrement. Censure du gouvernement chinois. Dictature anti-démocratique. Manque de transparence. Ça fait beaucoup d’obstacles pour ne pas investir en Chine.
Pourtant, cela n’a pas empêché Alibaba de tripler sa capitalisation boursière depuis son IPO. Si vous êtes intéressé par l’une des plus belles success stories chinoises, passons en revue son business model, ses avantages compétitifs durables et les risques futurs auxquels que l’entreprise chinoise pourrait se confronter.
Alibaba, une entreprise rapidement rentable et bien plus
Si vous ne le savez pas, Alibaba a réalisé l’exploit de générer un free cash flow positif au bout de trois ans après sa création. Connaissez-vous des exemples similaires aux États-Unis et en Europe ? Moi, je n’ai pas trouvé de traces. En tout cas, le fait d’être rapidement rentable lui a permis de s’imposer comme la première plateforme en ligne en Chine dans chacune de ses activités.

Source Alibaba Investors
En plus de sa prouesse d’être rapidement rentable, Alibaba a su créer une connexion de son business entre la modernité et les valeurs traditionnelles chinoises à l’aide des technologiques de communication et d’information.
Alibaba, ce n’est pas uniquement du commerce en ligne. L’entreprise chinoise est également présente dans le paiement en ligne, le cloud computing, les médias et divertissements, et les innovations technologiques. Environ 85 % de son chiffre d’affaires proviennent du commerce et paiement en ligne. Au niveau géographique, la Chine est son premier marché toutes activités confondues à hauteur de 90 % de ses revenus.
Alibaba dispose de filiales qui sont considérés comme ses vaches à lait tels que Alibaba.com, AliExpress, Taobao, Tmall, Freshippo, Alipay, Alibaba Cloud, etc. Certaines d’entre elles parviennent à faire leur nid à l’international.
Ses principaux avantages compétitifs durables sont :
- Un business model authentique : Alibaba propose des services en ligne permettant de favoriser l’écosystème avec les petits commerces. Grâce à Internet, l’entreprise a permis aux petits commerces chinois de revenir sur un pied d’égalité face aux gros en leur économisant des frais d’intermédiaires. Cela lui a permis de développer un vaste marché en vendant de nombreux produits et fidéliser de plus en plus de clients toutes catégories, donc constituer un effet network d’acier.
- Une diversité des revenus : Alibaba à ses débuts était très dépendant des revenus publicitaires. En se positionnant sur le cloud, les médias, le divertissement et le paiement en ligne, l’entreprise propose des services qui favorisent l’expérience et la satisfaction client à l’image d’Amazon.
- L’innovation comme moteur de pérennité pour bâtir le futur du commerce en ligne en alliant la technologie et les interactions des clients.
Une entreprise chinoise rentable et saine, ça existe. La preuve par les images et les chiffres.
Une machine à cash
2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
Chiffre d'affaires (Million RMB) | 76204 | 101143 | 158273 | 250266 | 376844 | 509711 |
BPA (RMB/action) | 9,7 | 27,89 | 16,97 | 24,48 | 33,36 | 55,92 |
Marge opérationnelle | 31 % | 29,6 % | 30,4 % | 28,1 % | 15,3 % | 18,2 % |
ROIC | 13,99 % | 11,08 % | 12,13 % | 9,72 % | 9,89 % | 11,72 % |
ROA | 13,06 % | 23,06 % | 10,03 % | 10,46 % | 10,41 % | 13,1 % |
Cash flow opérationnel (Million RMB) | 41217 | 56836 | 80326 | 125171 | 150975 | 180607 |
Free cash flow (Million RMB) | 33512 | 45991 | 62780 | 95335 | 101332 | 135221 |
La baisse de la marge opérationnelle doit être relativisée avec la croissance de son cash flow opérationnel et son free cash flow entre 2015 et 2020. Elle s’explique par la hausse des dépenses dans le marketing et la recherche & développement. Rien d’alarmiste pour une entreprise de croissance qui veut s’imposer comme le leader national sur ses activités respectives.
Au niveau de la rentabilité, Alibaba Group ne démérite pas avec un ROIC et un ROA au-dessus des 10 %. Ce qui reste supérieur à la moyenne des entreprises du S&P 500 autour de 2,5 %.
Avec des ratios d’endettement et de liquidité sous contrôle, Alibaba a les moyens financiers de ses ambitions pour remplir les objectifs 2024 Strategic Goals et 2036 Vision. Contrairement aux idées reçues, Alibaba ne cherche pas mettre sur le dos les petites et moyennes entreprises. Je pense que les petites et moyennes entreprises ne s’interrogent pas assez sur les bénéfices de la vente en ligne.
Des relais de croissance malgré des zones d’ombre
Les zones d’ombre, on les connaît. Ce serait prématuré de vous attarder là-dessus à moyen-long terme. Il existe des fake news au sujet d’Alibaba et des entreprises chinoises. Je préfère me concentrer sur les relais de croissance futurs, car ils prendront le pas sur l’idéologie qu’on fait de la Chine. Je ne serais pas surpris que Alibaba joue la carte de l’ESG à la sauce chinoise.
Le monde du commerce en ligne ne peut pas fonctionner sans Alibaba. Au cours de la décennie 2020, la Chine va prendre un poids prépondérant au niveau économique à tel point qu’elle surpassera les États-Unis dans beaucoup de domaines. N’en parlons pas de l’Europe qui tourne au ridicule.
Relais de croissance n°1 : La croissance de la classe moyenne chinoise
Si la croissance économique de la Chine décélère depuis 2007-2008, c’est pour des raisons structurelles. La Chine a l’ambition de rééquilibrer son modèle économique entre exportateur mondial et demande intérieure. La hausse du yuan en 2020 montre clairement qu’elle est passe de réussir. D’ailleurs, la classe moyenne s’est développée à vitesse grand V grâce à l’urbanisation et la transformation digitale de la société. Elle excède déjà la population des États-Unis.
Dans les dix prochaines années, on estime que la classe moyenne chinoise va doubler. Avec plus de 150 villes à plus d’un million d’habitants, Alibaba s’offrirait un énorme gisement de consommation domestique.
Relais de croissance n°2 : La transformation digitale
Cela tombe bien ! La Chine a rattrapé son retard technologique face aux pays occidentaux et ses concurrents asiatiques. Elle est même déjà au point ou en avance sur les technologies les plus avancées telles que la 5G, l’Internet des objets et la blockchain qui seront les moteurs de croissance de demain.
Alibaba est idéalement positionné pour bénéficier du taux de pénétration du Web mobile et fixe dans le quotidien de la population chinoise. Il est évident que la part des ventes en ligne va grimper année après année. Cela ne signifie pas que Alibaba Group veuille la mort du commerce traditionnel. D’ailleurs, l’entreprise développe son propre réseau physique avec sa filiale Hema Fresh et en reprenant SunArt, ancienne filiale chinoise du groupe Auchan.
Relais de croissance n°3 : La croissance à l’international
Avec 90 % des revenus réalisés sur son marché domestique, Alibaba possède un levier important à exploiter à l’international. Au cours des deux premières décennies de son existence, l’entreprise de Jack Ma & Cie a voulu consolider sa position de leadership national. Elle a certes dompté la concurrence étrangère qui doit de se contenter d’une présence limitée en Chine, mais doit lutter face à des concurrents locaux comme Tencent, JD et Pinduoduo.
Alibaba a accéléré ses pions en Afrique. Le fait que la Chine soit un partenaire de poids dans cette zone géographique qui tarde à trouver sa place sur l’échiquier mondial, y est pour beaucoup. En Asie du Sud-Est, Alibaba renforce sa présence en mettant la main sur Lazada. En Amérique Latine, l’entreprise chinoise doit lutter contre Mercado Libre. Aux États-Unis, cela risque d’être challenging au regard de la guerre commerciale et le contentieux diplomatique suite à l’affaire Huawei, mais Alibaba a l’audace de tenter sa chance face à Amazon et Ebay. Enfin, en Europe, Alibaba cherche à profiter en catimini des enquêtes antitrust de l’Union Européenne sur les GAFA.
Relais de croissance n°4 : Son expansion dans diverses activités
Tout comme Amazon, Alibaba veut voir en grand en diversifiant ses activités dans des segments à fort potentiel comme le cloud et l’intelligence artificielle. Il s’est offert le luxe d’acquérir des actifs importants dans l’industrie des médias tels que South China Morning Post, l’un des journaux les plus renommés de Hong Kong et Youku, un site d’hébergement de vidéo.
Pour le moment, cette diversification de ses activités représente une part minoritaire de son chiffre d’affaires, mais son potentiel n’est pas exploité au maximum. Alibaba a les moyens opérationnels et financiers pour s’offrir plusieurs leviers de croissance.
Par ailleurs, si vous ne le savez pas, Alibaba possèdent des participations dans une centaine d’entreprises dont Weibo, Lyft, Snapchat, Wanda Film, China Unicom, Xpeng, etc. La majorité d’entre elles opèrent dans des secteurs à forte disruption technologique.
Vers un démantèlement ou une prise de contrôle de l’État chinois ? Ne soyez pas si naïf !
Au cours des deux derniers mois de l’année 2020, Alibaba n’a pas été sage en faisant régulièrement la une de l’actualité. Le Père Noël a été vraiment une ordure. Les propos de son fondateur Jack Ma envers l’opacité du système financier chinois sont-ils la véritable cause des problèmes actuels du géant chinois du commerce en ligne ?
Ce serait plutôt un prétexte. La haute autorité chinoise a sonné deux fois l’alarme. La première en suspendant l’IPO d’Ant Group à la dernière minute. La seconde en ouvrant une enquête antitrust. Elle reproche la position dominante d’Ant Group dans les services de paiement en ligne et la pratique du « picking one from two » dont les marchands en ligne sont obligés de choisir un plateforme comme canal de distribution exclusif.
À présent, tout le monde se déchaîne sur les réseaux sociaux en fleurissant des rumeurs telles que le démantèlement d’Alibaba, la prise de contrôle du capital par l’État chinois, la disparition de Jack Ma, le delisting d’Alibaba à New York, etc. Tout ceci reste des fake news et le restera pour de bon.
Ce qui a probablement effrayé les investisseurs occidentaux, c’est que l’enquête antitrust vient de la haute autorité chinoise. Ils ont liquidé sèchement leurs positions en pensant que cette nouvelle peut s’avérer systémique. Le fait que Alibaba possède une capitalisation importante juste derrière les GAFA et soit une position importante dans des fonds de pensions américaines explique les grosses sorties de flux.
Par ailleurs, le fait que la Chine a peu d’expériences sur les règles anti-trust peut expliquer le krach d’Alibaba. La loi anti-monopole existe depuis le 1er août 2008. Il n’y a pas de cas historiques majeurs.
Faut-il s’inquiéter de l’avenir d’Alibaba ?
Financièrement, la réponse est un non catégorique. Alibaba arrive à générer un free cash flow en croissance. Sa dette représente représente 1,2 fois son free cash cash flow. Vous pouvez dormir tranquille.
La Bourse via le marché action, c’est le reflet des bénéfices futurs. Néanmoins, avec une amende potentielle à la clé et une remise en cause d’une partie de la structure de l’entreprise, les parts de marché d’Alibaba risquent de s’éroder sur certains segments d’activité pour laisser un peu de place à la concurrence. Est-ce un mal pour un bien ? Le temps est une affaire de patience et cessons de faire des conclusions hâtives.
Dans le pire des scénarios, on pourrait aussi aboutir à une scission du groupe avec Alibaba et Ant Group avec des nouvelles règles de marché. Vous allez me dire que c’est une catastrophe industrielle. Moi, je pense que c’est une aubaine à long terme. Pourquoi ?
Vous aurez des actions de ces 2 entités qui sont relativement rentables si la scission devait avoir lieu. Secrètement, j’aimerais qu’elles versent des dividendes, mais tant que la dynamique de croissance reste intacte, cessez d’en rêver.
Je possède des titres Alibaba. Pour être précis, j’en ai six. J’aimerais en avoir 10 dans mon portefeuille de long terme. J’ai décidé de les conserver. Alibaba est indispensable à la Chine et au monde entier. Le business model de l’entreprise chinoise a pour vocation d’aider les petites et moyennes entreprises en lignes ou traditionnelles. Dans les années à venir, Alibaba donnera du fil à retordre à Amazon à la loyale.
En investissant dans Alibaba, j’avais conscience de ce risque de monopole. Le marché va donner une prime de risque à combien. Je n’en sais rien. Je préfère me renforcer quand l’action Alibaba montre des signes de stabilisation sur une zone de prix bien définie ou dans un excès de pessimisme. Le chapitre entre la haute autorité chinoise et Alibaba n’est qu’à ses débuts, mais je ne vais pas attendre sa fin pour agir.
Au regard de sa solidité financière, Alibaba n’est pas un canard boiteux. Cerise sur le gâteau, il est positionné directement ou indirectement sur des mégatendances.
En conclusion, je ne pense pas que la haute autorité chinoise souhaiterait le démantèlement d’Alibaba. Un dialogue va sûrement s’installer pour trouver un terrain d’entente entre les deux camps. Par contre, concernant Jack Ma, il y aura peut-être des réprimandes l’air, mais ce qui compte c’est l’institution Alibaba et basta !

Sovanna SEK est un investisseur de long terme passionné par la Bourse avec pour modèle, Warren Buffett. Il vous donne des conseils pratiques pour construire et gérer un portefeuille boursier rentable sur le long terme.
Sa philosophie d’investissement possède un côté pile ou face. Pile, il investit sur des actions de belle qualité à des prix raisonnables. Face, il est un défenseur de l’or pour se protéger contre l’inflation 2.0.