
Tout le monde s’accorde que le retour de l’inflation est une question de temps. Cependant, il se pourrait que cela arrive plus vite que prévu, en particulier aux États-Unis. On pourrait passer d’un extrême à l’autre. Les marchés financiers risquent d’être pris à revers.
Mon petit doigt me dit que la politique monétaire très accommodante de la FED conjuguée à des relances budgétaires de la Maison Blanche va provoquer un choc inflationniste. Par ailleurs, les intervenants des marchés financiers négligent les mesures de distanciation sociale. Elles ne permettront pas un retour à la normale. Elles ont un caractère inflationniste et durable. Les qualifier de durable importe plus.
Le poids de l’histoire nous montre qu’on ne peut pas combattre les cycles. Les banques centrales capituleront sans prévenir les investisseurs. Rembourser les dettes en croissance constante est une illusion. La déconnexion du système financier par rapport à l’économie réelle va générer des tensions sociales. D’après ce que je vois, ça frétille aux États-Unis et en Allemagne.
Voyons à présent comment l’inflation va se matérialiser pour aboutir à la stagflation.
C’est quoi la stagflation ?
La stagflation est un terme qui va revenir à la mode là on l’attend pas. Il s’agit d’une d’une perte de croissance économique dans certains secteurs couplée à une hausse des coûts de la chaine de production, d’approvisionnement et de consommation. Qu’est-ce que cela signifie sur le terrain ?
Pour survivre, les entreprises commencent à licencier du personnel et rogner certaines postes de dépenses pour faire des économies d’échelle. Ensuite, elles réajustent leurs coûts par le Nord. Ce qui se traduit par des hausses de prix pour les consommateurs.
Les faillites à la chaîne peuvent occasionner une hausse des prix à travers une consolidation sectorielle. Par exemple, la faillite de Conforama, Naf Naf, André, Alinéa en France, et aux États-Unis avec Macy’s, JC Penney, va faire le bonheur d’Amazon. L’empire Bezos pourra imposer ses prix sur une bonne partie des produits.
Cessez d’attendre car une multitude de chocs va arriver très vite
Cette multitude de choc est devant vos yeux. Si je devais donner une image, cela ressemble plus au crossover de Crisis on Infinite Earths des séries Arrowrverse Je préfère ne pas m’attarder sur les détails techniques au risque de perdre le fil. Allons droit au but avec :
Choc d’offre + Choc de productivité + Choc de demande + Choc de confiance = STAGFLATION
Désolé les gérants Long Only, les mesures de distanciation sociale vont avoir un impact négatif sur les bénéfices des entreprises en 2020 mais aussi en 2021 au minimum. Attendez-vous à ce que les analystes financiers vont réviser à la baisse leurs estimations au courant de l’été. La Bourse est avant tout le reflet des bénéfices des entreprises.
Le choc d’offre
La première phase stagflationniste commencera par un choc d’offre. Pourquoi ? Parce que les chaines de production et d’approvisionnement ne fonctionneront plus comme avant. En adoptant les gestes barrières du social distancing, il y aura de facto un choc de productivité. Qui dit choc de productivité signifie un rééquilibrage des coûts et des prix avec un biais inflationniste.
Je prend l’exemple du BTP. La distanciation sociale va engendrer une hausse des coûts des EPI (Équipements de Protection Individuelle) avec les masques et le gel hydroalcoolique, une réduction des effectifs pour éviter la propagation de l’épidémie, et plus loin une remise en cause du modèle PPP (Partenariat Public Privé) avec des États qui sont surendettés.
Le choc de productivité n’est pas seulement une affaire de coûts
Le choc de productivité ne se résume pas uniquement aux coûts. Il va affecter la vie des entreprises. Dans les centres commerciaux, cela risque d’être galère d’acheter ses articles préférés en faisant la queue qui s’étend sur une dizaine de mètre. Les employés vont être plus stressés que d’habitude pour gérer leur impatience. Dans les immeubles de bureaux, la communication ne sera pas aisée. Dans les chantiers de BTP, les contraintes sanitaires vont obliger à répartir les tâches de manière stricte.
Je ne doute pas qu’on va s’habituer à tous ses gestes barrières. Néanmoins, le choc de demande va se poser brutalement. La stagflation commence à chauffer.
Le choc de demande
Vous comprenez bien avec un choc d’offre qu’il y a une pénurie sur certains biens. Vous avez sûrement remarqué que les prix des biens de première nécessité ont augmenté en avril 2020. Pourquoi ?
Parce que la grande distribution doit supporter la hausse des charges de la distanciation sociale.
Parce que la grande distribution lève le pied sur les promotions.
Parce que les chaines de production alimentaires qu’elles soient agricoles ou industrielles doivent rééquilibrer leur structure de coûts pour survivre.
Tout cela se passe avec une baisse du prix du pétrole. Imaginez l’étendue des dégâts avec une hausse de l’or noir.
Bientôt, ce sera autour des biens manufacturés quand les entreprises retrouveront un équilibre dans leur structure des coûts.
Le choc de confiance va renaître l’inflation de ses cendres et de facto la stagflation
Qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien, les gens n’ont plus confiance dans leur avenir. Ils consomment ce qui est nécessaire et épargnent plus. Les classes aisées porteront une attention particulière sur la qualité de leurs actifs financiers. Ils seront plus aptes à faire des arbitrages comme bon le semble.
Le pire dans le choc de confiance, c’est qu’on va d’un extrême à un autre : D’un choc déflationniste à un choc inflationniste. Cela se traduit par la perte de confiance dans la valeur de la monnaie. Votre épargne sera utile, mais elle va perdre de la valeur au fil du temps. La vitesse de circulation de la monnaie va exploser à la hausse.
Sous peine de faillite, les entreprises n’auront pas d’autres choix que de maintenir les prix par le Nord. Elles embaucheront moins de personnes qu’auparavant. Si le bon sens prime aux États-Unis, le nombre de chômeurs découragés va s’accroître. Au mois d’avril 2020, il est de 126,493 millions de personnes qui ne se rendent pas au Pôle Emploi.
Que dit choc inflationniste, choc sur les taux. La mère de toutes les bulles, la bulle obligataire, va exploser. La FED qui a acheté des Bons du Trésor comme collatéral, aura le couteau sous la gorge. Elle perdra toute crédibilité. Le château de cartes des banques centrales s’écroule.
Voilà la phase expansionniste de la stagflation !
Retour vers le futur sur la bulle Nifty Fifty
Le Nifty Fifty fait référence aux grandes capitalisations boursières populaires au cours des années 1960 et 1970. Elles étaient prisées par les investisseurs de l’époque. Elles avaient les caractéristiques d’une action « one-decision », c’est-à-dire des entreprises à croissance extrêmement stable sur une longue période.
Cela ressemble à deux gouttes d’eau aux GAFAM et ses acolytes.
On leur attribuait des PE extraordinairement élevés et des perspectives de croissance surréalistes au-delà de la norme. Portés par le sentiment bullish, les investisseurs se ruaient à l’achat sans prendre en considération les excès de valorisation. Par exemple, Walt Disney et McDonald’s se cotait à respectivement à un PE de 86 et 82.
C’est à partir de janvier 1973 que les membres du Nifty Fifty se sont crashés. L’excès de valorisation était un prétexte. La vrai raison qui a déclenché l’effondrement de la bulle est la seconde dévaluation du dollar par Richard Nixon en février 1973. Elle sera liée aux Chocs Pétroliers, la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt. Un régime stagflationniste s’est installé de 1973 jusqu’à 1982. D’ailleurs en 1982, cela coïncide au retour à l’équilibre du S&P 500 par rapport au plus-haut de janvier 1973.
Je shorte la dette américaine : Peut-être la casse du siècle ?
2020 est actuellement une année unique en son genre sur les marchés financiers. Il a fallu un événement exogène pour faire chuter les marchés financiers. La crise du Covid-19 a aggravé une situation critique dans certains secteurs. Elle a remis en cause des business model soi-disant intouchables à l’instar de l’aéronautique.
La folie monétaire et budgétaire en marche. En prime, la dévaluation du dollar.
Ce qui m’a interpellé, c’est la réactivité de la FED et la Maison Blanche pour faire face aux dégâts collatéraux de cette crise. Les deux institutions n’ont pas attendu l’arrivée imminente de la récession pour dégainer à tout-va.
La FED a perdu la cartouche des taux en les abaissant à 0,25 %. Elle a lancé un QE infini. De l’autre côté, s’ajoute une relance budgétaire pour l’économie réelle avec des aides pour les PME et un chèque de 1 200 dollars à une dizaine de millions de contribuables. Le parti démocrate envisage même un nouveau plan de relance avoisinant les 3 000 milliards de dollars.
Le choc déflationniste va peser mais moins longtemps que prévu. La multitude de chocs citée auparavant est déjà en marche pour faire décoller l’inflation. Elle est déjà présente dans certains biens et services : alimentation et services de santé.
La frénésie budgétaire et monétaire aux États-Unis va s’accentuer avec un président, roi de la dette. Les entreprises américaines ont été réactives dans le cost killing. Les aides ne suffiront pas pour une majorité de PME pour tenir l’année. Comme d’habitude, les grandes entreprises vont sortir renforcées de cette crise en voyant leur position de leadership se consolider. La consolidation sectorielle implique une hausse des prix.
Le choc de confiance va se faire ressentir dans la valeur du dollar. Les acheteurs étrangers ont ralenti leurs achats de dette américaine. Ce qui oblige la FED à intervenir sur la partie longue des taux. La guerre froide somme tout prévisible entre la Chine et les États-Unis est une épine du pied en plus. Bien que c’est une façon de parler, la cerise sur le gâteau serait une dévaluation du dollar. Elle est dans les cartes.
La crise du Covid-19 a accentué le manque de coopération internationale si bien même qu’un vaccin suscite des convoitises peu équitables. Cela va se tendre vers une guerre des monnaies inévitable. La FED et le Trésor américain pourraient intervenir sur le marché des changes. Jerome Powell a tâté le terrain pour des taux négatifs. Sur fond de crise, la Chine serait tentée de liquider ses T-Bonds si l’ingérence dans sa politique intérieure franchit la ligne rouge.
Tout ce cocktail entraînera un choc inflationniste avec comme résultat final, la stagflation. La FED est prise à son propre jeu par sa politique monétaire accommodante. Elle risque de mettre en danger le système des pensions et provoquer indirectement des émeutes (pas souhaitable évidemment).
En s’inspirant du film The Big Short, la stagflation est la Casse du Siècle. Le jeu en vaut la chandelle à moindre risque. Les options sont des produits financiers adaptés pour jouer ce scénario qui vous semble surréaliste à vos yeux.
Voilà pourquoi j’ai tenté un pari baissier sur la partie longue des taux de la dette américaine. Pour être précis, j’ai acheté 2 options PUT Très Hors Monnaie sur l’ETF Ishares 20+ Year Treasury Bond, alias TLT. L’échéance est le 15 janvier 2021. Le strike à 125 $. La prime à payer à 0,73 $ hors frais de courtage.
Le ratio risque/rendement est intéressant compte tenu de tous les risques exposés. Pile, c’est la casse du siècle. Soyons honnête, je suis allé avec modération. Face, je perds 150,4 $. Néanmoins, j’ai de l’or et des actions de belle qualité.
La FED voit sa crédibilité remise en cause depuis fin 2018 au point de provoquer une crise potentielle du dollar. Elle répète les mêmes erreurs que dans les années 1930 et 1970. Les faits sont têtus tout simplement.
En guise de conclusion, voici quelques idées d’investissement pour vous protéger contre le retour de l’inflation.

Sovanna SEK est un investisseur de long terme passionné par la Bourse avec pour modèle, Warren Buffett. Il vous donne des conseils pratiques pour construire et gérer un portefeuille boursier rentable sur le long terme.
Sa philosophie d’investissement possède un côté pile ou face. Pile, il investit sur des actions de belle qualité à des prix raisonnables. Face, il est un défenseur de l’or pour se protéger contre l’inflation 2.0.